Katsi’tsakwas Ellen Gabriel, artiste multidisciplinaire, documentariste engagée et militante écoféministe kanien’kehá:ka (mohawk) de la nation de Kanesatake, est une voix essentielle dans le paysage autochtone canadien. Sa notoriété s’est accrue lors de la crise d’Oka en 1990, où elle a assumé avec force et clarté le rôle de porte-parole des Kanien’kehàka, marquant durablement la mémoire collective. Son talent de narration s’est également manifesté à travers le documentaire acclamé Kanàtenhs – When the Pine Needles Fall, récompensé par le prestigieux Grand Prix du Conseil des Arts de Montréal pour sa contribution significative à la compréhension des réalités autochtones.
Ce printemps, les éditions du remue-ménage proposent Quand tombent les aiguilles de pin – une histoire de résistance Autochtone, un ouvrage qui s’inscrit dans la continuité de son engagement et offre une perspective autochtone cruciale sur des moments clés de l’histoire récente canadienne. Le livre constitue une archive précieuse des luttes autochtones, explorant en profondeur des événements tels que la crise d’Oka – analysée ici avec une acuité particulière de par son expérience personnelle –, les combats menés par les femmes autochtones pour la justice et la reconnaissance, les enjeux complexes liés au territoire ancestral et les expressions artistiques comme formes puissantes de résistance et de transmission culturelle. L’intégration de photographies enrichit considérablement le texte, lui conférant une valeur documentaire et une accessibilité accrue pour un public plus large.
Pour ceux qui suivent le parcours intellectuel et militant de Gabriel, la cohérence de ses propos et la fermeté de ses convictions ne surprendront pas. Elle demeure une figure intègre, capable d’allier une détermination inébranlable à une réflexion posée et nuancée. Son récit de la résistance autochtone est intrinsèquement lié à son expérience personnelle, notamment lors de la crise d’Oka, mais il dépasse largement ce seul événement pour tisser des liens entre différentes luttes et époques. L’approche narrative délibérément non linéaire invite le lecteur à une compréhension plus organique et thématique de l’histoire, où le temps se plie aux nécessités du récit et aux intuitions de l’auteure. Le dialogue avec Sean Carleton offre un éclairage précieux sur le processus de pensée de Gabriel, rendant l’ouvrage d’autant plus pertinent et accessible. Malgré la dureté des réalités évoquées, une humanité profonde et une capacité à communiquer avec clarté et chaleur émanent de son écriture.
Quand tombent les aiguilles de pin est bien plus qu’un simple récit historique ; c’est un rappel essentiel et urgent à l’adresse des Canadien·nes. Il souligne la continuité et la pertinence actuelle de la résistance autochtone face aux injustices persistantes. Cet ouvrage constitue un appel vibrant au respect des droits autochtones, à la reconnaissance de leur histoire et à une solidarité agissante. Si un large lectorat prenait le temps de s’immerger dans cette perspective essentielle, cela pourrait indéniablement contribuer à une transformation profonde du regard porté sur l’histoire et les enjeux contemporains du Canada, ouvrant la voie à une réconciliation véritable et éclairée.
- Autrice : Katsi’tsakwas Ellen Gabriel (traduction de Marie C Scholl-Dimanche, avant-propos de Pamela Palmater, préface de Sean Carleton et postface de Audra Simpson)
- Éditions : Remue-ménage
- Parution : 5 février 2025
- Pages : 348 pages
Crédit photo : Patrice Sirois
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