Les exemples qui illustrent la culture toxique du hockey (le sport le plus blanc en Amérique du Nord[1]!) abondent. Par exemple, depuis 1989, Hockey Canada aurait versé près de neuf millions de dollars pour régler à l’amiable une vingtaine de cas d’inconduites sexuelles[2]. Or, neuf de ces victimes auraient été payées à même le Fonds national d’équité de Hockey Canada[3]. Nous pourrions également rappeler la demande d’action collective dépose en juin 2020 contre la Ligue nationale de hockey (LCH), la Western Hockey League (WHL), l’Ontario Hockey League (OHL) et la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) où des joueurs auraient été forcés notamment d’agresser sexuellement d’autres joueurs et/ou d’avaler des excréments de leurs pairs et/ou d’avoir un bâton de hockey introduit dans leur rectum[4]. Autre exemple à glacer le sang : Hockey Canada, poursuivi pour 3,55 millions de dollars pour un viol collectif aux Championnat du monde en 2018, dont l’affaire considérée comme le plus important scandale sexuel a été réglée hors cour afin de protéger les joueurs de l’équipe canadienne[5].
Cet ouvrage explore la relation entre l’implication des hommes dans les sports de contact et les violences faites aux femmes, présente des solutions et redéfinit le rôle des hommes dans la prévention de cette violence en s’appuyant sur la théorie de la pair-aidance au masculin. Cette théorie est définie ainsi :
« La théorie de la pair-aidance masculine suggère que ces jeunes hommes anxieux vont se tourner vers leurs pairs pour avoir des conseils, surtout en contexte de groupes. […] L’agressivité cultivée par les équipes sportives de jeunes garçons est souvent produite par la promotion d’une culture misogyne et homophobe. […] L’adoption de cette masculinité par les jeunes joueurs de hockey est facilitée par la ségrégation sexuelle. La constitution de groupes exclusivement masculins cultive dans ces sports d’équipe masculines un discours culturel dominant qui favorise des attitudes sexistes, misogynes et anti-femmes. […] Les discours de la misogynie et de la culture du viol qui existent au sein des ligues de hockey d’élite influencent non seulement les joueurs, les poussant à adopter des comportements patriarcaux violents, mais ils encouragent aussi l’acceptation des mythes du viol dans la population générale […] »[6]
Pour expliciter davantage leur théorie, les auteurs énumèrent d’une part des exemples d’indifférence des hommes (faisant partie d’une équipe sportive) face aux femmes ayant subies une agression et d’autre part, des cas de dévalorisation des femmes dans les sports à prédominance masculine (comme le hockey)[7]. Or, dans le monde du hockey, le comportement d’un homme qui abuse une femme est accepté et toléré, encore plus si le joueur a une grande valeur sur la glace :
« D’après les recherches en criminologie, le meilleur moyen d’arrêter la violence faite aux femmes par des joueurs de hockey, ce serait de développer un environnement de travail ou de tels comportements ne sont pas tolérés, ou les hommes qui s’y adonneraient éprouveraient de la honte et/ou ils risqueraient d’être rejetés par leurs anciens coéquipiers et amis. […]
Le problème, c’est que dans le monde du hockey d’élite, les hommes qui abusent des femmes ne reçoivent pas le message que ce comportement est inacceptable. C’est plutôt le contraire. […] Le problème, c’est que l’approche de la LNH n’a pas de mordant. Ce qui est aussi problématique, c’est l’inévitable suite d’événements où des joueurs punis par le système de justice criminelle pour avoir agressé des femmes finissent régulièrement par être chaudement accueillis sur la glace à nouveau. »[8]
Si les auteurs abordent également la culture du secret et soulignent que la pornographie est devenue nettement plus agressive qu’auparavant (88% des scènes pornographiques les plus populaires contiennent de la violence faite aux femmes et un enfant sur trois a consommé de la pornographie avant l’âge de douze ans[9]), ils proposent aussi des solutions pour opérer une transformation de la culture toxique du hockey, dont les suivantes :
- Changements structurels et culturels dans les sports lucratifs;
- Embaucher, former et évaluer différemment les entraîneurs;
- Créer un permis d’entraîner, qui serait renouvelé régulièrement via la complétion d’examens portant sur les connaissances de l’entraîneur sur l’éthique, la prévention des blessures, les enjeux de justice sociale, etc.;
- Encourager les entraîneurs, gestionnaires et propriétaires d’équipes à dénoncer publiquement tout comportement violent (violence faite aux femmes, harcèlement sexuel, intimidation, racisme, homophobie, etc.);
- Développer des politiques et des pratiques pour prévenir la victimisation des femmes;
- Intégrer la mixité des genres dans les sports d’équipe.
Enfin, les auteurs ajoutent que la participation des femmes dans ces sports et la mise en branle d’initiatives pour nommer des femmes aux postes élevés de direction seraient bénéfiques au rétablissement des survivantes d’agressions sexuelles. À cela, célébrons notamment la nomination de France Margaret Bélanger, première femme (en 104 ans) à siéger au comité exécutif des Canadiens de Montréal et de Jessica Campbell, première femme coach dans la LNH.
Au final, il convient tout de même de souligner certaines améliorations : les formations anti-sexisme « Mentors in Violence Prevention », le plan d’action « Respect et Consentement » du Groupe CH ou encore les ateliers offerts en 2022 par Léa Clermont-Dion aux joueurs de la Ligue de hockey junior majeur du Québec sur le consentement. Il nous reste toutefois encore beaucoup de travail à faire. Souhaitons-nous du courage collectif en 2025!
[1] p. 224.
[2] p. 40.
[3] Ibid.
[4] p. 25.
[5] p. 40 et 243.
[6] p. 131 et 171.
[7] p. 130.
[8] p. 153-154.
[9] p. 186.
- Auteur : Walter S. DeKeseredy, Stu Cowan et Martin D. Schwartz
- Nombre de pages : 309
- Date de parution : 2024
- Éditeur : Éditions Québec Amérique
- Nombre de mots : 880
Crédit photo: Kathryn Blanchette
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