Saviez-vous que près des ¾ des antibiotiques produits mondialement sont donnés à des animaux d’élevage[1]? Qui n’a pas entendu parler du plus récent rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui mettait en garde contre la consommation de viande rouge? Si l’alimentation est une façon d’exprimer notre identité, faire le choix d’être végane est également une prise de position éthique quant au sort auquel les animaux sont destinés[2]. Toutefois, les véganes ne forment pas un groupe homogène, illustrant ainsi le paradoxe du véganisme :
« Le véganisme est paradoxal : en tant que pratique individuelle, il est assez simple à suivre, dès lors qu’il s’agit pour une personne de limiter, autant que faire se peut, sa participation à toute forme d’exploitation animale. En tant que mouvement collectif, en revanche, il est extrêmement complexe parce qu’il rassemble un vaste éventail de motivation et de types d’action. »[3]
Somme toute, face à l’explosion des niveaux de gaz à effet de serre, à l’utilisation déficiente de nos sols, au gaspillage d’eau et à la pollution plastique, le véganisme semble être une solution évidente. Il faut cependant être à l’affût du veganwashing. Par une étude critique bien fouillée, le chercheur et journaliste Jérôme Segal développe sur l’instrumentalisation politique du véganisme. Sujet géopolitique, le veganwashing se définit ainsi : « […] diverses personnes qui ont des intérêts politiques ou économiques à défendre trouvent dans le véganisme un puissant moyen de servir leurs objectifs, sans pour autant que le sort des animaux, la santé des humains ou l’état de la planète ne soient au cœur de leurs préoccupations »[4]. À cela, l’ouvrage présente les « liens ambigus » entre véganisme et capitalisme, tout comme les parallèles entre véganisme et extrême-droite et entre véganisme et féminisme. L’auteur aborde également le néocarnisme et formule une critique du flexitarisme, ce dernier qualifié d’« aubaine pour le lobby de la viande », de « notion fourre-tout » et de « concept marketing idéal ».
Enfin, l’auteur énonce que si les stratégies de « consommation politique » connaissent une forte croissance, c’est parce qu’elles consistent en un activisme qui ne requiert pas beaucoup d’efforts (feel-good activism, clicktivisme)[5]. De plus, et malgré les différentes initiatives (« Lundi sans viande », « Végane avant 18h », « Semaine sans viande », Veganuary, etc.) et le fait que le marché de viandes à base de plantes se diversifie, l’auteur rappelle que devenir végane ne « sauve » aucun animal et ne met pas de bâtons dans les roues du capitalisme agroindustriel, sauf en cas d’actions radicales (on peut penser aux images d’horreur captées dans les abattoirs par exemple)[6].
Au final, deux solutions ressortent de l’ouvrage pour réellement améliorer le sort des animaux. D’abord, le véganisme devra composer avec la nécessité de se réinventer constamment tout en ne perdant pas de vue son principe philosophique (l’antispécisme). La seconde solution consiste à mener une lutte culturelle et politique, afin de changer notre rapport aux animaux et le droit applicable.
« Sur tous ces points, on n’a pas tort d’être optimiste, car l’évolution de nos sociétés est plutôt favorable au véganisme, avec des progrès plus ou moins remarquables selon les pays. C’est bien pourquoi les véganes doivent continuer de lutter dans des domaines aussi variés que ceux énumérés ci-dessus : le droit (national et international), la gastronomie (dont la restauration des collectivités), la formation des médecins, des enseignants et des diététiciens, la littérature jeunesse (et pas seulement de jeunesse!), mais aussi de manière plus vaste, la promotion de la tolérance et de l’altruisme. »[7]
[1] p. 21-22.
[2] p. 9 et 15.
[3] p. 99.
[4] p. 6.
[5] p. 79.
[6] p. 78 et 88.
[7] p. 141.
- Auteur : Jérôme Segal
- Nombre de pages : 164
- Date de parution : 2ème trimestre 2024
- Éditeur : Lux Éditeur
- Nombre de mots : 588
Crédit photo: Kathryn Blanchette
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