Après Au péril de la mer et Du bon usage des étoiles, deux romans largement encensés par la critique, Dominique Fortier nous présente son sixième ouvrage Les villes de papier. C’était pour moi une première rencontre avec cette auteure et un coup de foudre.
Dans Les villes de papier, Dominique Fortier raconte la vie d’Emily Dickinson, une poète américaine du 19e siècle. Cette femme particulière qui n’a connu qu’un succès posthume, refusant toute sa vie la publication de ses poèmes. Cette femme à l’allure austère, toujours habillée de blanc (on la surnommait d’ailleurs « la dame en blanc ») qui avait pourtant tout un monde de fantaisie dans sa tête. Comme une enfant, elle s’émerveillait devant tout et n’importe quoi, portait une affection particulière aux plantes et à la nature. Elle préférait la compagnie de sa plume et de ses mots à la compagnie des hommes.
Bien informée, ayant de toute évidence menée une véritable recherche sur sa vie, Dominique Fortier nous présente ici un superbe roman où elle imagine le quotidien de l’auteure. Aucune grande péripétie ne viendra bouleverser le court du récit. Aucune tragédie ne viendra basculer le cours tranquille de la vie d’Emily Dickinson qui ne s’épanouit qu’en étant cloîtrée, toute envahie par la routine et le calme de la maison qui l’a vu grandir. Et pourtant, on ne s’ennuie jamais en parcourant doucement les pages.
Dominique Fortier a su, par ses mots, nous représenter l’imaginaire de Dickinson, sa capacité à se suffire à elle-même, à créer sans effort et à s’émerveiller. Imagés et poétiques, ses mots auraient pu effectivement être ceux de Dickinson. Ce passage, en particulier, m’a éblouie et représente bien le ton de l’ouvrage :
Le jardin bruisse des murmures des fleurs. Une violette ne se remet pas d’être si fripée. Une autre se plaint de ce que les grands tournesols lui font de l’ombre. Une troisième lorgne les pétales de sa voisine. Deux pivoines complotent sur la façon d’éloigner les fourmis. Un lys long et pâle a froid aux pieds, la terre est trop humide. Les roses sont les pires, énervées par les abeilles, incommodées par la lumière trop vive, soûlées de leur propre parfum.
Seuls les pissenlits n’ont rien à dire, trop heureux d’être en vie.
Une lecture superbe, une atmosphère feutrée, des textes imagés, Les villes de papier est un livre parfait pour la détente et l’évasion.
- Autrice : Dominique Fortier
- Éditeur : Alto
- Date de parution : 20 août 2018
- ISBN : 9782896943906
Crédit photo : Françoise Conea