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De la profondeur à La Peuplade

La mémoire est une corde de bois d’allumage
de Benoit Pinette

J’avais très hâte de lire le recueil La mémoire est une corde de bois d’allumage de Benoit Pinette alias Tire le Coyote, je n’ai pas été déçue. Nous connaissions déjà les textes de l’artiste, mais avec la musique ceux-ci peuvent passer un peu plus inaperçus. Ici, il nous livre des poèmes simples et profonds à la fois, sans musique et pourtant ça coule. Le livre est divisé en trois parties : « Je sais déjà ne rien comprendre », « l’équilibre des époques » et « le droit à l’oubli ».  

devant toi 
j’ai la constitution  
d’un glissement de terrain 
je perds pied 
la haine m’engloutit 

L’auteur nous parle des douleurs de l’enfance et des changements à effectuer pour aller vers quelque chose de plus lumineux. Il commence la dernière partie par une citation de Prévert : « Il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple » et je trouve que ça résume très bien l’espoir de la fin du recueil. Pour une raison qui m’appartient seule parce que la poésie est quelque chose de si intime, la première partie est celle que j’ai préférée, celle qui m’a rejoint le plus. Cela étant dit, je le conseille à tout le monde. Une poésie et des mots qui font du bien à l’âme, on en a toujours besoin. 

  • Auteur : Benoit Pinette 
  • Maison d’édition : La Peuplade 
  • Date de parution : 2021 
  • Nombre de pages : 93 

Lettre à Benjamin
de Laurence Leduc-Primeau 

Lettre à Benjamin est un court récit, très poignant puisqu’il s’agit d’une lettre que l’autrice écrit à son conjoint qui s’est enlevé la vie au début de l’année 2020. Elle s’est donnée cinq jours pour lui écrire. 

Je dois avouer que j’ai souvent dû le déposer. Ce n’est pas une lecture facile, mais je pense qu’elle est nécessaire et, pour moi, elle fut aussi salvatrice dans le sens où je me suis reconnue souvent dans les émotions de l’autrice : la colère, l’incompréhension, la culpabilité. Étant moi-même dans le milieu de l’enseignement, j’ai souvent croisé la route d’élèves, d’amis qui ont vécu ce profond mal de vivre. Comment les accompagner à travers ce système qui, quelquefois, a tendance à ne pas prendre au sérieux le suicide ? Comment faire face au sentiment qu’on a de ne pas pouvoir aider cette personne comme on voudrait pourtant le faire ? Comment comprendre, je n’ose pas écrire pardonner, ce geste radical qui affecte le restant des jours de ceux qui restent ? Comment vivre avec la détresse, l’absence, l’abandon de celui, de celle qui n’est plus ? Il n’existe pas de réponses claires, mais ça fait du bien de partager ces réflexions, ces douleurs-là avec l’autrice. 

L’écriture de Laurence Leduc-Primeau est franche et sonne comme celle d’une amie avec laquelle on aurait une discussion autour d’un verre, sans filtre, sans maquillage. Elle va jusqu’à utiliser quelques jurons, des mots durs, mais si on ne peut pas les utiliser pour décrire cette situation, où ? Quand ? Elle écrit : « J’ai balisé dans le temps l’écriture de cette lettre pour la rendre supportable : limiter sa durée en échange d’un endroit où me déverser sans censure. Même ça, c’est trop me demander – je me censure pareil, et c’est beaucoup moins brut et beaucoup moins violent que ce qui bout en moi. »  

Peut-être le plus important à retenir de cette lecture, c’est d’écouter. Écouter pour vrai. Sans conseiller, sans essayer cette fausse positivité qui peut devenir toxique. J’ai entendu récemment, je ne me souviens plus où, qu’on demande souvent aux gens qui ne vont pas bien de « reach out », mais ça serait important aussi pour tout le monde de penser à « reach in ».  

  • Autrice : Laurence Leduc-Primeau 
  • Maison d’édition : La Peuplade 
  • Nombre de pages : 97 
  • Date de parution : 2021 

Crédit photo : Valérie Ouellet

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