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Tu me places les yeux

Tu me places les yeux

Je lis de la poésie depuis peu. J’étais auparavant intimidée par ce style littéraire. L’expérience et la sagesse de l’âge aidant, je me suis récemment initiée au style, et j’ai réellement apprécié le dernier recueil que j’ai lu. Assez pour le lire deux fois, afin de revivre certaines émotions, et de saisir certains passages qui auraient pu m’échapper la première fois.

Il s’agit de Tu me places les yeux de Aimée Lévesque publié tout récemment chez les Éditions La Peuplade.

Chaque page évoque un souvenir de l’auteure avec sa grand-mère, native de Rimouski. Certains textes prennent place dans la maison de celle-ci, certains dans son chalet, et d’autres à l’hôpital alors que sa grand-mère y séjourne. Plusieurs textes sont reliés à l’enfance, aux petits moments anodins qui font que l’on se rappelle des visites chez nos ainé.e.s, aux odeurs qui nous remémorent cette époque innocente.

Pour moi, ce recueil met aussi en valeur cette relation entre enfants (devenus grands) et grands-parents. À travers ma lecture, je me suis remémorée mes visites dans la maison de ma grand-mère au Saguenay, les jeux entre cousins et cousines, les permissions qui n’étaient valides que là-bas et les mets que ma grand-mère nous préparait.

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J’ai trouvé ce recueil de poésie réellement accessible pour des gens comme moi qui ne sont pas habitués à lire de la poésie, puisque l’auteure nous fait « sentir », nous fait « vivre » chaque souvenir en créant des images fortes et à la fois douces, à l’aide de seulement quelques mots par page. Quelques mots que l’auteure a certainement choisis et travaillés avec soin pour qu’ils aient autant de portée.

J’ai eu le privilège de rencontrer l’auteure lors du lancement Montréalais de la Peuplade le 15 mars dernier à la librairie « Le Port de Tête » et celle-ci a gentiment accepté de répondre à quelques-unes de mes questions.

 

As-tu toujours écrit de la poésie? Pourquoi ce mode d’expression te plaît-il ?

J’ai bien sûr écrit des histoires en prose par le passé et j’écris encore parfois des récits (de voyage, par exemple) ou des essais littéraires, mais la forme qui m’est la plus naturelle reste le poème. Je ne saurais dire pourquoi les textes se manifestent de cette façon pour moi (et la réponse, si je la trouvais, ne serait pas forcément intéressante), mais je me souviens que lorsque j’avais l’âge de la petite fille dans Tu me places les yeux, j’inventais et récitais spontanément de courtes histoires de monstres que ma mère s’empressait de noter sur mon dessin en quelques lignes… qui pouvaient bien être des vers! Donc mes premières histoires ont été consignées sous forme de vers!

Mon entourage me demande souvent à quand le roman, comme s’il y avait une progression dans la vie littéraire : en premier tu publies un livre de poèmes (étape optionnelle), puis un recueil de nouvelles, puis enfin UN ROMAN, qui serait l’achèvement, la consécration d’une (courte) carrière littéraire ordinaire. Je ne crois pas à ça. Que chacun(e) écrive dans la forme qu’il ou elle veut. Pour moi le poème est l’occasion de jouer avec la langue plus librement que dans la nouvelle, de me tenir toujours un peu à côté du sens (et donc d’avoir moins cet impératif de rigueur qui pèse sur mes épaules), de capter un moment puis de passer à autre chose, à un autre aspect du même thème sans me sentir obligée de les explorer tous – lorsque j’aurai l’impression que tout est dit, le livre sera terminé, tout simplement. Mais je dis peut-être n’importe quoi, car je n’ai jamais écrit de roman!

Dans ton recueil, chaque page ne contient que quelques mots, qui permettent au lecteur de sentir et de vivre le souvenir évoqué. Est-ce un défi d’écrire en si peu de mots ?

Oui, c’est un défi d’écrire de courts poèmes ! Les poèmes de la première version du manuscrit de Tu me places les yeux étaient d’ailleurs plus longs ; grâce à l’aide de Bertrand Laverdure, j’ai appris à concentrer les images et, surtout, à élaguer les poèmes de tout ce qui pouvait paraitre conventionnel ou superflu. Je lui dois une fière chandelle. Ensuite, avec mon éditrice, Mylène Bouchard, j’ai précisé des images qui n’étaient plus claires à force d’être condensées, travaillé la fluidité de l’ensemble, etc. J’ai compris avec le temps que la réécriture est essentielle : sur le coup, j’écris un poème plus long parce que je veux rester dans le flot des idées; en relisant, je me rends compte qu’il y a des choses qui n’ont pas besoin d’être dites et je tente alors d’aller chercher les images les plus vraies, les plus justes, et de renforcer les contrastes et les associations surprenantes en en rapprochant les éléments.

En même temps que je te dis ça, je n’ai jamais non plus été portée sur les poèmes-fleuves… et j’ai toujours eu une facilité à composer des haïkus et des tankas (poèmes japonais qu’on représente en français en trois et en cinq lignes, respectivement). J’aime beaucoup les contraintes d’écriture, les jeux oulipiens – souvent je m’impose des contraintes formelles, et si elles sautent en réécriture, ce n’est pas (plus…) grave.

J’ai pu constater sur ton compte Instagram que tu es une grande amatrice de thé. Accepterais-tu de nous suggérer un thé pour accompagner nos lectures?

Oui, c’est difficile à cacher, je suis bel et bien une amatrice de thés! Le thé fait partie de ma routine quotidienne, il accompagne mes lectures, mon écriture et, de façon plus générale, mon travail. Un thé et une boisson chaude sont mentionné.e.s dans mon livre : les as-tu trouvé.e.s?  D’abord il y a le wulong, que la grand-mère aurait sans doute apprécié; j’en bois un justement, le Dong Ding de monsieur Nen Yu (du Camellia Sinensis). Les wulongs, surtout plus verts que noirs, ont souvent des notes de biscuit à l’avoine (comme celui-ci!), de tarte à la cerise, d’ananas (comme dans les mets chinois canadiens!) qui iront bien avec la lecture de Tu me places les yeux. Outre le Dong Ding, il y a le Shan Lin Xi du Camellia Sinensis que je vous recommande… chaudement.

L’autre boisson chaude mentionnée est le salep, une boisson turque faite de farine d’orchidée que j’ai pour ma part dégustée à Sarajevo. Si tu n’es ni à Sarajevo ni à Istanbul, par malheur, il existe des recettes sur internet basées sur la farine de riz à la place. C’est comme un chaï pas épicé ou un chocolat chaud sans cacao. Bref, c’est bon et doux, ça réchauffe le coeur qui a passé trop de temps au nord.

 

  • Auteure : Aimée Lévesque
  • Nombre de pages : 117
  • Éditeur : La Peuplade
  • Date de parution : 14 février 2017
  • ISBN : 9782924519417

Crédit photo : Valérie Léger

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