Comment expliquer l’incapacité apparente de Léonardo DiCaprio à aimer ? Pourquoi chacune de ses relations – essentiellement avec des mannequins du Sports Illustrated Swinsuit Issue – se terminent-elles toujours au bout de quelques mois ? Et au-delà de ses conquêtes et ruptures à répétition, pourquoi l’amour semble-t-il de plus en plus rare de nos jours ?
Avec sa toute dernière bande dessinée, La rose la plus rouge s’épanouit, l’autrice féministe suédoise Liv Strömquist tente de comprendre la rareté apparente du sentiment amoureux dans nos sociétés contemporaines. Est-ce dû au narcissisme extrême propre à notre société capitaliste tel que le propose le philosophe sud-coréen Buyng-Chul Han ? Ou est-ce le « boom » du choix rationnel, fondement de notre époque où les choix sont multiples et la raison, essentielle à toutes décisions ? Serait-ce la conséquence de notre tendance psychologisante à nous analyser nous-mêmes et à notre attachement infaillible aux expert.e.s et à la science ? Ou est-ce la nouvelle figure de « l’homme accompli » qui établit son contrôle et sa domination émotionnelle sur le désir d’attachement des femmes ?
En prenant d’assaut nos bases et fondements sociaux, l’autrice de l’adulée bande dessinée L’origine du monde déconstruit nos compréhensions et perceptions de l’amour érigées en tant que vérités. Elle met à mal notre société de consommation, notre narcissisme égocentrique qui se soucie davantage de notre propre image, objet de désir, que de l’Autre. Elle critique cette propension à tout analyser, tout décortiquer, tout comprendre et tout rationaliser et voit le féminisme d’« auto-empowerment » comme un moyen déformé de cultiver notre société de performance et notre individualisme.
Strömquist choque, secoue et affronte les conceptions profondes que l’on entretient vis-à-vis de nos relations amoureuses, mais aussi de notre société. En jonglant avec les écrits des grand.e.s philosophes, sociologues et écrivain.e.s d’hier et d’aujourd’hui, tout en personnifiant ses propos avec des personnages tels que Schtroumpf à lunettes, Jabba the Hutt ou encore Panoramix, elle propose un essai tant rigoureux qu’humoristique sous forme de BD. Du génie !
Seul petit bémol : la monogamie et l’hétéronormativité y sont un peu trop centrales. Est-ce que l’objectif universel est vraiment l’amour heureux ? Et cet amour est-il nécessairement porté par un idéal amoureux hétéronormé ? Bien que ce ne soit pas ce qu’elle évoque, la critique de ce positionnement aurait été, à mon sens, essentielle…
- Auteur : Strömquist, L.
- Titre : La rose la plus rouge s’épanouit
- Date de parution : octobre 2019
- Édition : Rackham
Crédit photo : Mylène de Repentigny-Corbeil