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La faute à Pablo Escobar

Jean-Michel Leprince, journaliste pour Radio-Canada depuis 1973, nous livre ici son expertise sous forme chronologique de tous les reportages qu’il a effectués en Colombie. Il a débuté en 1985 lors de l’éruption du volcan Nevado del Ruiz jusqu’en juin 2022 lors des dernières élections présidentielles colombiennes. Il replonge en nous éduquant sur l’histoire complexe de la Colombie, seule démocratie reconnue en Amérique latine et sur son enfant-terrible, Pablo Escobar. 

Pourtant, malgré cette démocratie, la Colombie a été et est toujours un des pays les plus violents du monde. L’histoire de violence du pays, la très grande superficie sans routes connectées, la corruption, la culture payante de la coca et les divers groupes armés aux idéologies différentes en font un pays vraiment complexe:  

Pas surprenant, dans ce pays amnésique et obsédé par le présent, ce pays narcissiste où pas même les morts sont capables d’enterrer leurs morts. L’oubli est la seule chose démocratique en Colombie: il les couvre tous, les bons et les méchants, les assassins et les héros, comme la neige dans le conte de Joyce, qui tombe de façon égale tout le monde. (Les dénonciateurs, traduit de l’espagnol par Claude Bleton, Arles, Actes Sud, coll. Les lettres latino-américaines, 2008)  

p. 89

Heureusement, Jean-Michel Leprince est un réel pédagogue et nous tient par la main au fil de ses reportages en nous expliquant tout ce qui a mené à la Colombie d’aujourd’hui et au fascinant personnage de Pablo Escobar, de sa popularité, de sa dangerosité et à la légende qu’il est devenu. 

Pablo Escobar, pour ceux qui n’ont jamais entendu son nom, est un des plus grand narco-trafiquant que la Colombie a enfanté. Victime de la grande Violencia des années entre 1948 et 1958 qui fera 200 000 morts et sera responsable de plus d’un million de déplacés, le jeune Pablo Escobar sera rapidement un habitué de la violence. Après un massacre dans leur village, la famille déménage à Medellin, deuxième ville plus importante de la Colombie, où Pablo Escobar débute son commerce de contrebandier. Après plusieurs rencontres, il se spécialisera dans le commerce de la coca, banalisé à l’époque puisque seulement les Américains en consomment. Puis, il débute dans les années 1980 à faire de la politique avec le mouvement « Civisme en marche » : il plante des arbres, illumine des terrains de sport et finance la construction d’infrastructures dont des centaines de maisons pour des victimes d’incendies. Ce n’est pas pour rien que plusieurs Colombiens lui vouent encore un culte. 

Sa présence en politique ne durera pas très longtemps, dénoncé pour avoir des liens avec le narcotrafic, il se vengera en faisant assassiner ceux qui l’ont dénoncé, toujours par des sicaires (assassins-adolescents provenant de banlieues pauvres à moto). Ces sicarios deviendront la marque de commerce des narcotrafiquants, les narcos les paieront à un certain moment 2000$ par policier assassiné. En 1990 c’est 250 policiers qui sont assassinés. Les narcotrafiquants ont peur de se faire extrader aux États-Unis, leur plus grande menace alors sous la violence devenue intolérable, la Colombie accepte de ne pas extrader ses criminels et fait passer une loi qui promet une peine clémente lorsque les criminels confessent leurs crimes. C’est sous cette nouvelle loi que Pablo Escobar décide de se rendre en 1992 dans sa prison dorée, la Cathedral, il fera aménager un jacuzzi, une table de billard et recevra parents et amis dans ce qu’on appelait l’Hôtel Escobar, mais comble du sarcasme, on apprend qu’Escobar continue le trafic depuis sa prison. Le gouvernement demande alors d’inspecter la prison, Escobar et son frère prendront la fuite à pied, convaincus que le gouvernement veut les assassiner.  

Pablo Escobar restera au large pendant 4 mois avant de se faire cribler de balles sur un toit de Medellin par la police, mais sa légende restera, elle, bien vivante. La violence perdurera aussi en Colombie, la fin de Pablo Escobar n’est malheureusement pas la fin du narcotrafic et des groupes armés.  

Cet essai est très intéressant et complet, le journaliste arrive à nous éduquer et à nous garder fasciné par l’homme qui a été la muse de plusieurs téléséries américaines. Je le recommande à quiconque souhaite en apprendre plus sur ce magnifique pays qui porte malheureusement encore les cicatrices des violences et des groupes armés et sur son enfant-terrible, Pablo Escobar. 

  • Auteur: Jean-Michel Leprince 
  • Maison d’éditions: Leméac 
  • Collection: Présent 
  • Parution: 5 octobre 2022 
  • Nombre de pages: 442 

Crédit photo: Valérie Ouellet 

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