Littératures autochtones Quoi lire?

Nirliit

Niirlit de Jeanne

Nirliit. C’est LE livre que je conseille à tout le monde depuis un an. J’ai eu un véritable coup de foudre pour ce roman que j’ai dévoré en une nuit. J’ai ensuite relu des passages, encore et encore.

Publié aux éditions La Peuplade en 2015, Nirliit, qui signifie « oies » en inuktitut, est le premier roman de Juliana Léveillé-Trudel. Cette Montréalaise de trente ans s’est s’inspirée de sa propre expérience dans le Grand Nord. En effet, elle a passé plusieurs étés à Salluit, un village autochtone du Nunavik, où elle a travaillé dans le domaine de l’éducation.

Dans ce roman, l’auteure dresse un portrait de ce qu’est la vie à Salluit. Elle y décrit la dure réalité des autochtones, notamment la violence conjugale, la maternité précoce ainsi que les problèmes de drogue et d’alcool. Mais elle explique également combien c’est un endroit merveilleux, à quel point elle aime y être et tout l’amour qui y règne.

Dans la première partie du récit, l’auteure s’adresse à son amie Eva, Inuit et belle grand-mère de quarante ans, disparue depuis des mois et dont le corps n’a jamais été retrouvé. Elle lui raconte la vie dans le village et le quotidien de ceux qu’elle a connus. Dans la deuxième partie, on suit Elijah, le fils d’Eva, qui devient père à 18 ans.

J’ai adoré ce livre car il permet de faire une incursion dans le Nord du Québec. C’est un territoire qu’on ne connaît pas assez, dont on entend peu parler et dont on ne sait en général pas grand-chose de la vie de ses habitants autochtones.

Ce livre est tout simplement magnifique par son histoire et par l’écriture de l’auteure. On y plonge et on en ressort bouleversé par la douleur et la beauté qu’il transmet simultanément. Ce livre nous donne envie de découvrir le Nord et ses habitants.

À lire autant pour en apprendre sur la réalité des peuples autochtones, que pour la beauté du Nord qui y est décrite. Un vrai petit bijou !

Je vous laisse avec un passage du livre qui m’a particulièrement touchée. L’auteure y relate une conversation qu’elle a eue avec Philippe, un ingénieur blanc venu du Sud qui ne comprend pas qu’elle puisse vouloir revenir dans le Nord été après été et qu’elle s’y plaise tant.

« Après une bonne heure de monologue particulièrement édifiant, Philippe l’ingénieur me demande ce que je fais ici, présume que je suis grassement payée, comme lui. Pas tant que ça, non. Stupéfaction. Pourquoi suis-je ici alors ?

Parce que j’aime ça.

Pauvre Philippe, tu n’en crois pas tes oreilles. Hé oui, Philippe, il y a des gens qui ne viennent pas au Nord que pour faire de l’argent. Moi j’aime ça, ici. 

J’aime les enfants, les gens, la langue, les chiens, le paysage, le soleil de minuit, les aurores boréales, les caribous, la toundra, les montagnes, les balades. 

J’aime qu’on soit douze dans une boîte de pick-up pour descendre la côte de l’aéroport au grand vent. J’aime les paquebots qui mouillent majestueusement dans la baie et tout le va-et-vient autour. J’aime le fjord peu importe sa couleur et son niveau d’agitation. J’aime cueillir les moules à marée basse et sourire intérieurement en me disant que j’ai chassé mon souper. J’aime les dos blancs des bélugas qui viennent percer la surface de l’eau quand j’ai été fine. J’aime les enfants qui se ramènent à la marina avec un trophée de pêche presque plus gros qu’eux, le fabuleux omble chevalier. J’aime me coucher sur les rochers, les jours de temps doux, et fixer au loin le détroit d’Hudson qui m’appelle en chuchotant. J’aime faire démarrer un quatre-roues en tirant sur la corde parce que ça fait plus viril. J’aime que tout le monde connaisse mon nom. J’aime la terre qui tremble au passage d’un troupeau de caribous. J’aime le village qui se donne des airs de ville fantôme quand le brouillard se lève. J’aime aller cueillir des bleuets et ne pas en rapporter un seul parce que j’ai passé tout mon temps à m’empiffrer, le cul dans la mousse et le lichen. J’aime ça ici.»

-Juliana Léveillé-Trudel, Nirliit, page 65-

 

  • Titre : Nirliit
  • Auteur : Juliana Léveillé-Trudel
  • Nombre de pages : 184 pages
  • Date de parution : 6 octobre 2015
  • Éditeur : La Peuplade

 

Crédit photo: Jeanne Lavictoire

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  • casquette new era
    9 janvier 2017 à 9:29 am

    Merci pour cet article

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