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Vénère

J’ai acheté ce livre le jour de sa parution au Québec. Je l’attendais, il était en standby dans ma PAL, dans mon coeur, dans mes tripes. Je ne sais même pas exprimer à quel point j’avais hâte.

Et vous dire si ma lecture a été à la hauteur : inspirante, frappante, juste, excitante, motivante.

Je ne suis pas une femme, je suis un volcan. Sous mes côtes bouillonne un lac de lave en fusion, et je passe ma vie à endiguer ses rives pour empêcher des éruptions trop violentes.

– p. 11

Dans Vénère, Taous Merakchi nous parle de la violence qui ne cesse d’exister dans nos vies. À travers son vécu, ses histoires et celles de ses proches, à travers ses réflexions et ses questionnements, elle légitime la colère, la sienne, la mienne, la vôtre. Et ce faisant, elle décortique la place des femmes, toujours plus inconfortable que celle des hommes, nos modes de survie et notre quotidien autant ponctué de peurs que de militantisme, les stigmatisations qu’on ne voit plus, les acquis de l’enfance qui nous nuisent.

Avec des chapitres courts, incisifs, directs, l’autrice nous met face aux incohérences des rapports hommes-femmes, nous bouscule dans ce qu’on a intégré, nous renverse dans sa franchise. En analysant la rue, les médias sociaux, la jeunesse, le quotidien, la politique, à travers sa lunette personnelle, Merakchi offre un ouvrage unique et intelligent, le tout dans une langue limpide, claire, facile à lire.

Quand les hommes me regardent dans la rue, j’ai envie de me comporter comme une femme possédée, de me jeter à genoux, de me griffer le visage, d’exploser dans un nuage de chauve-souris, de fondre comme une flaque de latex et de me répandre dans le caniveau. Je voudrais pouvoir me faire minuscule ou gigantesque, afin que jamais leurs yeux ne puissent me contenir en entier, que jamais leur regard ne puisse m’atteindre dans ma totalité. Je voudrais échapper à mon existence à travers leur perception parce que je la sais déplacée, je la sais erronée, je la sais mal intentionnée – même quand je ne le sais pas, même quand elle ne l’est pas, c’est ainsi qu’elle est perçue, c’est ainsi qu’elle est vécue, par la force de l’accumulation de toutes les situations vérifiées. Le pouvoir qu’ont les hommes d’être en mesure de consommer mon apparence gratuitement, sans que je puisse m’y opposer directement, me rebute et me file une nausée immonde ; je me sens comme un canot de sauvetage coincé dans une tempête en mer, impossible d’échapper aux vagues, impossible d’en sortir snas être trempées jusqu’aux os. Je leur en veux terriblement de pouvoir me percevoir. Je leur en veux encore plus de n’avoir jamais la décence d’être intimidés ou impressionnés. De partir systématiquement du principe que je ne suis pas grand-chose, alors que je suis immense, immense, immense, et que ce corps trahit profondément les proportions de ce qu’il contient.

– p. 192

Un livre à lire, à relire, à corner et à partager aux amies.

  1. Autrice : Taous Merakchi
  2. Maison d’édition : Flammarion
  3. Date de parution : 2022
  4. Nombre de pages : 253

Crédit photo : Annick Lavogiez

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