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Le parfum des fleurs la nuit 

Dans cet essai, où Leila Slimani passera une nuit dans un musée de Venise, l’écrivaine débute par une règle non-écrite dans la profession : « La première règle quand on veut écrire un roman c’est de dire non. Non, je ne viendrai pas boire un verre. Non, je ne peux pas garder mon neveu malade. » Non, alors pourquoi avoir accepté cette invitation à passer une nuit dans un musée à Venise ? Est-ce la difficulté de l’isolement ou une occasion trop belle pour y renoncer ? L’écrivaine raconte que c’est l’idée d’être enfermée qui l’a vraiment enchantée. 

La littérature est un art de la rétention. On se retient comme dans les premiers moments de l’amour quand nous viennent à l’esprit des phrases banales, des déclarations enflammées que l’on se force à ne pas dire pour ne pas abîmer la beauté du moment. La littérature consiste dans une érotique du silence. Ce qui compte, c’est ce qu’on ne dit pas.  

Alors qu’elle a le musée pour elle dans la pénombre, seule avec le gardien, elle déambule au travers des œuvres, et ses sens s’aiguisent au contact d’un galant de nuit, arbre répandu au Maroc. C’est à partir de cette odeur tant familière que Leila Slimani nous raconte son enfance et son adolescence à Rabat, sa relation avec son père, son exil en France. Elle nous raconte aussi son rapport à la nuit, à l’écriture, à différents auteurs. J’ai trouvé cet essai fascinant. Il s’agit d’une rencontre intime avec l’autrice ; on partage des moments où on est complètement complice avec elle. Par exemple, lorsqu’elle ne pense qu’à fumer une cigarette : l’idée de faire quelque chose d’interdit dans un musée est bien plus indécente que l’envie (pourtant forte) d’une ou quelques bouffées. Elle s’imagine pourtant tirer très vite sur sa cigarette dans les toilettes telle une adolescente incapable de retenir ses pulsions. 

On s’identifie aussi à l’autrice devenue mère dans ses peurs, ses doutes : « J’ai compris cette terreur qui vous saisit et vous paralyse. Il m’arrive de rêver que j’enferme mes enfants sous un bocal de verre qui les protégerait de tout, qui les rendrait invincibles, inaccessibles aux drames et aux dangers. » alors qu’adolescente, la nuit, pour elle, était synonyme d’aventures. On découvre à travers ce récit ce qui a modelé la femme qu’elle est aujourd’hui. Elle aborde tout sans censure, sans détour, sans fioritures et l’essai nous laisse sur l’envie de relire cette auteure, mais, avec cette fois, un nouvel éclairage sur l’écrivaine derrière les histoires. À lire. 

  • Autrice : Leila Slimani 
  • Maison d’éditions : Stock 
  • Collection : Ma nuit au musée 
  • Parution : 2021 
  • Nombre de pages : 152 

« Là où il y a de l’Art, il n’y a ni vieillesse, ni solitude, ni maladie et même la mort n’est plus que la moitié d’elle-même. » – Anton Tchekhov 

Crédit photo : Valérie Ouellet

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