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Entrevue avec Frédérick Lavoie

Entrevue avec Frédérick Lavoie

J’ai rencontré l’auteur et journaliste Frédérick Lavoie au salon du livre du Saguenay l’automne dernier. Sa lucidité, sa façon de parler de quelque chose de complexe avec des mots que je comprends et son engagement dans son travail m’ont donné envie de me risquer à lire sur un sujet que je ne maîtrise pas : le conflit en Ukraine. C’est tellement un livre qui dévie de ce que je suis habituée de lire, mais qui m’a doucement éclairée, que j’ai eu envie de le partager avec d’autres lecteurs.

Ukraine à fragmentation, paru aux Éditions La Peuplade, est le livre du mois du club de lecture Page par Page, sur lequel nous aurons une discussion en direct ce jeudi 29 juin à 20h30 sur notre page Facebook. L’auteur a accepté de répondre à mes questions.

 

Qu’est-ce qui t’intéresse le plus dans ton métier de journaliste indépendant? Et dans celui d’écrivain?

Les deux métiers ne font à peu près qu’un pour moi désormais. Ma démarche sur le terrain est journalistique, mais au-delà des faits et des événements, j’essaie de capter les atmosphères, les sentiments que provoquent certaines situations chez moi et chez les autres. Et quand je m’assois pour écrire, alors ma démarche se veut littéraire, mais je conserve une rigueur journalistique. Ce qui m’intéresse, au fond, c’est d’observer la condition et la nature humaines dans différents contextes, d’essayer de la comprendre et, ne serait-ce qu’un peu, de l’expliquer.

 

Tu avais déjà couvert plusieurs situations à travers le monde dans tes reportages. Qu’est-ce qui t’a poussé à aborder le conflit en Ukraine par le livre plutôt que par un article de journal? 

Je me suis rendu en Ukraine en janvier 2015 avec l’intention première de publier des articles sur le sujet, ce que j’ai fait, dans La Presse et deux journaux français. Avant de partir, j’avais toutefois aussi l’idée d’en tirer un livre, mais seulement si j’estimais à mon retour que j’avais ramené le matériel nécessaire pour cela. Ce que le livre me permet, c’est non seulement de m’étendre plus longtemps sur un sujet et de l’expliquer plus en profondeur, mais aussi d’inscrire ce récit dans une réflexion plus large sur l’humain, l’humanité et l’hommerie.

Quelle est la situation en Ukraine en ce moment? 

À peu près la même que celle que je décris dans les dernières pages du livre, mais avec cinq mille morts de trop en plus. Le conflit n’est pas tout à fait gelé. Il y a des périodes d’accalmie puis des regains de tension à l’occasion. Autrement, la paix n’avance pas, car aucune des parties impliquées ne la veut réellement. Aucune n’est prête à faire les concessions nécessaires pour l’obtenir.

 

Qu’est-ce qui a été le plus important pour toi en travaillant sur le livre?

Trouver la bonne voix. Je voulais que mes lecteurs puissent ressentir les émotions vécues par ceux qui la font, ceux qui la subissent et par moi qui la couvrais. Le jour où j’ai compris que pour cela, je devais m’adresser à Artyom, ce garçon de quatre ans tué par un obus et que j’avais vu dans son cercueil lors de ses funérailles, tout a été plus clair. En racontant le conflit à l’une de ses victimes, cela me permettait de toujours revenir au fait que, au-delà des motifs invoqués par les uns et les autres pour tuer, conquérir ou haïr, cette guerre, comme les autres, demeurait absurde. Aucun argument politique, militaire ou autre ne pouvait justifier l’usurpation du droit à la vie d’un innocent.

 

Sur quoi travailles-tu ces jours-ci?

Sur mon prochain récit, Avant l’après, qui parlera de Cuba. Je raconterai cette période de flottement entre deux ères que vit actuellement l’île.

Quel livre aimerais-tu vraiment publier dans le futur?

Un livre de poésie. J’ai une idée assez précise de ce que je voudrais transmettre dans celui-ci, mais pour l’écrire, je devrai tout d’abord devenir poète.

Puisque Page par Page est un blogue sur la lecture, peux-tu nommer quelques livres que tu as aimé lire?

Je me limiterai à quelques ouvrages québécois que j’ai récemment lus (ou relus) et qui m’ont marqué.

  • Soigner, aimerde Ouanessa Younsi

  • Rescapé, de Jean-Pierre Gorkyinian

  • Dans l’oeil du soleil, de Deni Ellis Béchard

  • Hommes et chiens confondus, de Rose Eliceiry

  • Frayer, de Marie-Andrée Gill

  • L’impureté, de Larry Tremblay

  • Les luttes fécondes, Catherine Dorion

 

Crédit photo : Sophie Gagnon-Bergeron, La Peuplade

 

  • Auteur : Frédérick Lavoie
  • Nombre de pages : 264 pages
  • Date de parution : 17 novembre 2015
  • Éditeur : La Peuplade
  • Provenance du livre : kiosque des Éditions La Peuplade, salon du livre du Saguenay

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