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Au carrefour – Suite réussie

Au carrefour

J’aime très rarement les suites d’œuvres qui m’ont charmée ; pour les autres, celles qui ne m’ont pas séduite, c’est facile, je ne les lis pas. Bref, les séries, très peu pour moi : je suis une fille d’une seule fois. Mais en même temps, lorsque l’enchantement opère dans un premier opus, j’ai envie de récidiver pour retrouver la magie concoctée par l’auteur. La curiosité l’emporte donc sur les mauvaises expériences. N’est-ce pas là le modus operandi des plus grands mariages? J’appréhendais donc un peu ma lecture d’Au carrefour, suite du roman Le boulevard de Jean-François Sénéchal. Et puis finalement, Karine, est-ce que la mayonnaise a pris dans cette suite? Oh que oui!

C’est avec un bonheur bien ressenti que j’ai retrouvé Chris, le personnage principal du roman Le boulevard, un jeune déficient intellectuel qui se faisait abandonner par sa mère la journée de sa majorité et qui devait donc apprendre à vivre seul, à se créer ses propres repères et sa propre famille. Deux années se sont écoulées depuis le départ de sa mère dont il espère toujours le retour bien qu’il soit parvenu à se tisser des liens solides avec plusieurs personnages, dont sa copine Chloé. Le lecteur sera encore une fois spectateur des apprentissages réalisés par Chris alors qu’il devient adulte, qu’il doit composer avec des obligations qu’il n’a pas toujours choisies : «J’aime pas ça, le changement, parce que je suis jamais prêt quand ça arrive» (p.43). Sans rien révéler (alors que ce n’est pas l’envie qui manque), disons que Chris fait face aux mêmes dilemmes que les gens qui n’ont pas de déficience, mais qu’il les réfléchit différemment et parfois même de façon plus éclairante.

C’est triste, des enfants malheureux. Mme Sylvester m’a dit que la guerre, c’est à cause des enfants malheureux.

Les enfants malheureux font la guerre?

Ben non! Juste quand ils sont rendus adultes.

Ah, Ok.

Pis moi, je veux pas un enfant qui va faire la guerre plus tard.

Moi non plus

D’abord, il faut s’arranger pour qu’il soit heureux.

Avec nous autres comme parents, tu vas voir, ça va être facile. (p.58)

Ce qui me fait tant vibrer dans l’écriture de Sénéchal, c’est sa capacité à raconter à la fois une bonne histoire et à créer des personnages crédibles, vivants qui s’interrogent sur la vie (et qui nous amènent invariablement à les accompagner dans leurs réflexions). J’ai souvent l’impression que la littérature actuelle propose aux lecteurs de suivre des personnages tourmentés dans leur quête de rédemption au détriment parfois de l’histoire et de ses péripéties. Ne suis-je qu’une enfant attardée que de désirer me faire raconter une histoire avant de m’endormir?

 

  • Auteurs : Jean-François Sénéchal
  • Nombre de pages : 304 pages
  • Date de parution : août 2018
  • Éditeur : Leméac

 

Crédit photo : Karine Villeneuve

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